La rencontre au sommet

La pluie diluvienne s'abattait sur les faubourgs de la ville, les gouttières ne dégorgeaient plus de l'abondant liquide qui ne cessait de les faire déborder. L'Inquisiteur marchait, accompagné de ses fidèles Dévôts, la capuche de son aube de lin marron rabattue sur la tête, son bâton de prêtre dans la main droite l'aidant à marcher.

Son pas était volontaire, sa démarche arrogante prouvant qu'il se savait indispensable au bon fonctionnement du Royaume, de nouveau poussé vers une nouvelle crise suite à la mort des parents du Nouveau Roi... Roi à qui il devait à présent renouveller son allégeance... L'Inquisiteur en était à la limite du dégoût... Ce n'était qu'un gamin, un vulgaire mioche qui se retrouverait plongé dans les affaires politiques entouré de conseillers véreux ne voyant que leurs intérêts.
Il fallait profiter pour le Grand Prêtre de MullenKampf de sa naïveté encore fraîche pour proposer son nouveau plan.
L'Alliance n'avait été que trop renforcée par les récents attentats, et si ce sentiment de révolte et de blasphème venait à s'emparer de la population de Libertae, l'équilibre n'en serait que trop préjudicié.

Arrivé devant les portes du Palais Royal, les gardes s'inclinèrent devant Sa Sainteté comme il aimait se faire appeler et le laissèrent pénétrer dans le hall. Son escorte attendit ici pendant qu'un majordome le conduisit jusque dans le Cabinet du Roi, après s'être fait changé et séché au préalable.

"Mon Roi..." Il s'inclina avec piété devant la nouvelle figure de l'autorité Royale. "Je viens refaire mes voeux d'allégeance, comme je les avais précédemment fait pour vos parents... Que MullenKampf bénisse leurs âmes.
Je suis donc votre obligé, que ni le vent, ni le froid, ni les guerres, ni la cupidité des humains ne me délient de ce serment. Je serais votre bras, celui qui portera l'épée, celui qui fera respecter vos ordres, celui qui brisera avec votre volonté les dernières digues impies...
Que seuls ma mort ou votre souhait ne me fassent renier mon allégeance aujourd'hui, car je suis l'Inquisiteur, le Garant du Livre, le Fils des Prophètes de MullenKampf, celle qui est et qui dicte..."

A l'arrivée de l'Inquisiteur, un majordome était venu avertir le Roi.

La pile de papiers à remplir avait nettement diminué. Le jeune homme donnait tout ce qu'il avait pour que son début de règne soit propice à tout ceux qui en avait vraiment besoin.

Eladrim se redressa sur son siège et un autre majordome vint prendre les documents pour les ranger dans une armoire proche. Il attendait que le prélat arrive.

Son attente fut courte : l'Inquisiteur se fit présenter à lui peu de temps après. A son entrée, le Roi se leva et attendit patiemment que le religieux ait fini sa salutation.
Décidément, le protocole était parfois d'un ennui ...

Puis le souverain s'inclina à son tour avant de répondre.

"Que MullenKamp, notre déesse, vous écoute et vous soutienne dans votre demande."

Un sourire illuminait le visage du jeune homme. Il ne s'attendait pas à une telle marque d'allégeance.
Il savait son entourage plus, le mot n'était peut être pas assez fort, maniéreux pour obtenir ses faveurs et avoir une bonne place. Mais les paroles de L'inquisiteur paraissaient vraies.

"Votre requête est acceptée, cher Inquisiteur. Vous nous serez sûrement un fort appuis pour diriger ce grand royaume qui nous échoit suite à la mort de nos regrettés parents."

Une larme tentait de percer la barrière invisible de ses émotions à ce souvenir. Mais avec grandes forces, elle ne put passer.

"Prenez place. Nous allons discuter de ce que nous pouvons faire pour rétablir ensemble la sécurité dans notre grand pays."

Puis le roi s'assit à sa chaise. La discussion allait maintenant être bénéfique pour tous les bons gens du royaume.

Vissent avait fort à faire en ce jour.
L'Inquisiteur devait faire son entrée au palais royal et tout devait être magnifique, comme le roi et son pouvoir.

Il allait en tout sens et allait jusqu'à brusquer un peu certains serviteurs un peu trop distraits.

Dehors la pluie tombait sans s'arrêter. Il ne fallait pas que cette eau, impropre, entre dans la demeure du plus grand personnage du royaume.

L'inquisiteur arriva avec son cortège de dévoués. Leurs habits caractéristiques les rendaient fort étranges mais cela forçait le respect.

"Votre Sainteté est attendue par Sa Majesté."

Vissent accompagna le prélat de MullenKamp jusqu'à un appartement proche pour qu'il puisse se changer. Cela fait, le domestique en chef du palais introduit le serviteur suprême de la Religion d'Etat auprès du souverain de Libertae.

Puis la porte se referma. Vissent poussa un léger soupir de soulagement avant de se diriger vers les cuisines où l'attendaient sûrement les gardes de l'escorte.

Alors qu'il arrivait vers le grand escalier d'apparat, un homme en tenue de soldat était en train de le monter.

*Voila qui est étrange pour un homme de guerre ...*

L'individu semblait rechercher quelquechose. Le majordome s'approcha de lui.

"Désirez vous un peu d'aide, mon brave ? Les cuisines ne sont pas de ce coté-ci. Je peux vous y conduire si vous le souhaitez."

Son visage était interrogateur.

"Là-bas, vous trouverez repos et réconfort. Vous le méritez après votre parcours sous ces trombes d'eau ..."

L'individu qui lui faisait face était vraiment étrange. Son silence devenait pesant pour le majordome.
Vissent allait prendre le bras du personnage muet quand une dame fit son apparition. Il retint son geste.

Une vive douleur se fit ressentir alors qu'il rapprochait sa main de son corps. Son corps partait à la renverse. Sa vision s'altérait.

Quand son corps toucha le sol, le domestique vit le sang qui coulait de son coté.
Sa pensée vint directement à la sécurité de roi. La sienne n'était rien face à celle de son jeune maître.

"A moi la garde ! Un meurtrier de l'Alliance est dans le palais"

Il hurlait de toutes ces forces, espérant que le Roi et l'Inquisiteur ainsi que les soldats soient prévenus le plus vite possible.

Des bruits de pas se firent entendre. Plusieurs soldats en armures portant lances et épées arrivaient de l'escalier. L'un deux vint près de Vissent qui lui indiqua rapidement la direction à suivre avant de s'écrouler au sol, inconscient.

Les tractations entre le Roi et l'Inquisiteur allaient bon train. Plusieurs plans, lois et autres verraient le jour en sortant de cette pièce.

"Sieur Inquisiteur, pour que nos plans fonctionnent correctement, il faudrait que vous vous occupiez du tribunal religieux.

Je vous accorde donc le droit d'y faire la justice. Veillez cependant à ne pas empiété sur ce qui est civil. Mes juges feront l'affaire.

Au besoin, nous pourrons nous renvoyer les accusés."

La voix d'Eladrim n'avait été au cours de la discussion que celle d'un dirigeant. Peu de personne aurait pu croire qu'il n'était encore qu'un jeu homme. Ses mots étaient clairs, concis et se voulaient justes.

Le jeune Roi se leva de son siège et alla faire face à la fenêtre. Il regardait la pluie tomber sur Libertae.
Son palais était en hauteur par rapport à la ville. De là, le monde s'offrait à lui.

Sortant de ses pensées, le Roi Eladrim tourna sa tête vers celle du garant de la Religion.

"Nous faisons cela pour le bien du peup..."

Il ne put finir sa phrase. Une voix provenant des couloirs se fit entendre.

"A moi la garde ! Un meurtrier de l'Alliance est dans le palais"

Puis la porte du cabinet du Roi s'écrasa contre le mur. Surpris, le Roi mit sa main sur son sabre d'apparat.

La silhouette noire et essoufflée du tueur lui faisait face.

Suite à son serment déclamé avec grandiloquence mais avec tout de même sincérité, des conversations plus habituelles prirent place entre le Roi et l'Iquisiteur.
Il était question de tractations politiques, de l'avenir de la justice religieuse, des nouveaux tournants politiques et diplomatiques dans le Royaume. Les discussions allaient bon train, le Roi, malgré son jeune âge, discutait déjà avec une sagesse d'esprit inhabituelle, ses paroles étaient pesées, justes et logiques...
Tous les engagements qu'il s'apprêtait à prendre n'avait qu'un seul but, faire de son Royaume nouvellement acquis un nouvel havre de paix, tentant de renouer avec l'Age d'Or décrit dans le Saint Livre et dans d'autres ouvrages historiques. L'Inquisiteur acquiesçait, bien que certaines propositions de liberté et de tolérance allaient à l'encontre de cetrains de ces précepts.

Alors que les deux discutaient calmement, la porte du cabinet vola en éclat, un homme vêtu des habits traditionnels des Serviteurs du Livre se tenait dans l'embrasure de la porte, une dague ensanglantée à la main. D'un geste rapide, l'Inquisiteur s'interposa entre son Roi et l'assassin, son bâton cérémonial tenu entre ses deux mains, prêt à en découdre avec ce vil serviteur de l'Alliance qui avait réussi à tromper sa vigilance ainsi que celle de ses gardes.

"Avance impudent! Que la colère de MullenKamp s'abatte sur toi, et que par la main de son Serviteur tu périsses!"

Le Garant du Saint Livre s'élança alors, prêt à en découdre tandis que l'homme ne bougeait quasiment pas, hébété par le sursaut du Haut-Prêtre ou bien étrangement calme devant une situation qui ne tournait pas à son avantage.

Le Roi tira rapidement sa lame de son fourreau. Elle n'avait beau n'être que d'apparat, elle tranchait tout de même.

*Mes cours d'escrime me serviront enfin*

Eladrim s'avança derrière l'Inquisiteur qui se battait avec le maudit assassin de l'Alliance. Les rapides coups du vaurien ne valaient rien contre la dextérité au maniement du bâton du Protecteur du Saint Livre.

La garde arrivait. On pouvait entendre les pas lourds des soldats dans le couloir.

Le tueur les entendit lui aussi et fit volte face pour se jeter à travers la fenêtre de la pièce qui se situait en face du cabinet du Roi. Seul un bruit de verre brisé parvint aux oreilles du jeune Roi qui s'était jeté à la suite du soldat de l'Alliance.

Le Roi Eladrim était passé rapidement devant l'Inquisiteur en faisant un bref mouvement de tête pour le remercier. Dans le couloir, il avait ordonné à plusieurs gardes de se rendre dans le parc du château pour poursuivre le tueur et demanda aux autres de monter la garde dans le palais. Peut-être que d’autres brigands de l'Alliance s'y trouvaient encore.

Puis, lorsqu'il tourna la tête, le souverain de Libertae aperçut les corps des deux soldats morts ainsi que celui de son majordome préféré, Vissent. Il y avait aussi une dame que le jeune Roi n'avait jamais vue.

"Que l'on appelle des médecins ! Un homme à besoin de soin ici !"

Et il alla se porter au chevet du domestique.

Le Roi tentait de maintenir Vissent dans un état de survie précaire. Il n'était pas médecin, même si Feu Ses Parents lui avaient donner comme précepteur un homme féru de médecine et de science.

Enfin, les médecins arrivèrent et se penchèrent sur le pauvre majordome.
Ils se mirent en devoir de faire cesser l'hémorragie en découpant au préalable le tissu qui recouvrait le corps du serviteur en livrais. Puis, en mettant des compresses et avec l'aide de soldats qui étaient restés pour veiller à la sécurité du roi, ils transportèrent Vissent dans une pièce au calme.

Eladrim s'était approché de la jeune femme. Son visage était magnifique. Sa main s'avançait vers ce visage radieux et 'endormi'. Sa peau était douce ... si douce ...
Un instant, le jeune souverain partit dans ses souvenirs pour se remémorer les derniers instants de douceurs qu'il avait eu avec ses parents.

L'Inquisiteur échangea quelques passes avec l'assassin vêtu du vêtement traditionnel de ses Serviteurs, celui-ci maniait assez bien sa lame, mais pas assez rapide et habile dans l'exécution de ses gestes pour le Protecteur, qui parait chacun de ses coups avec le bâton cérémonial. L'important était de ne pas le tuer, il fallait le garder vivant, le questionner, le torturer, savoir pourquoi il agissait ainsi, quelle puissance extérieure il servait...

Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir, la garde royale à n'en pas douter. Apeuré, l'assassin abandonna son combat en cours afin de traverser une des fenêtres du Cabinet et atterrir dans le Parc. Maudissant intérieurement cet abruti qui croyait venir à bout du Roi et de son plus fidèle Serviteur, en la personne du Garant de MullenKamp, celui-ci remis en place le col du long manteau marron qui lui descendait jusqu'aux pieds, tout en époussetant quelque peu la chemise qu'il portait en dessous.
Il ne souciait guère de l'avenir de l'assassin, il pourrait difficilement échapper aux soldats du Roi dans leur terrain, même si le temps à la pluie n'allait pas arranger les recherches et au contraire plutôt brouiller les pistes.

Reprenant calmement son souffle après son combat rapide, l'Inquisiteur sortit du cabinet, d'un pas décidé. Sans courir, il arriva en face du domestique et du Roi qui appelait désespérément un médecin.
L'Inquisiteur s'adressa alors au Roi.

"Excusez-moi Monseigneur, mais je vais devoir rentrer en mon domaine, notre discussion fut fort intéressante, presque autant palpitante que le dernier acte qui vient de se dérouler sous nos yeux.
Je vais cependant vous laisser quelques hommes afin d'assurer votre protection, ils finiront par retrouver cet assassin."

Il n'adressa pas un regard, pas un seul mot compatissant pour le Domestique qui gisait devant ses yeux, son sang s'écoulant sur le parquet récemment ciré du couloir. Son attitude méprisante vis-à-vis des petites gens n'avait fait qu'augmenter avec son ascension dans la hiérarchie ecclésiastique, et désormais, il éprouvait presque du dégoût pour ces êtres qui ne désiraient pas se donner les moyens de mieux réussir...
Pas le temps pour les faibles.

Le Roi Eldarim se tenait face à la jeune dame. L'Inquisiteur s'approcha de lui.

"Excusez-moi Monseigneur, mais je vais devoir rentrer en mon domaine, notre discussion fut fort intéressante, presque autant palpitante que le dernier acte qui vient de se dérouler sous nos yeux.
Je vais cependant vous laisser quelques hommes afin d'assurer votre protection, ils finiront par retrouver cet assassin."

Le jeune homme fit un bref mouvement de la tête pour le saluer et le remercier. Il ne prêta attention aux regards de dédain porté par le clerc du Saint Livre au domestique.

Quand tous furent partis, il décida de se rendre dans la salle du repas pour aller prendre le dernier repas de la journée.
La journée avait été riche en évènement et la faim s'imposait d'elle même.

Le Hall du palais, Le souper empoisonné ou un la suite de l'attentat