Et Lynsk suivit le conseil de son père..

L'encensoir en damascus ballotté par l'Inquisiteur au dessus de l'autel recouvert d'une nappe à la pureté immaculée laissait s'échapper des volutes instables de fumée, qui s'élevaient alors jusqu'à caresser de leur intangibilité les voûtes de la Cathédrale.
Un groupe de clercs était agenouillé de l'autre côté de l'autel, deux d'entre eux portaient des cierges, tandis que le dernier brandissait en l'air un coussin sur lequel reposait un anneau, le tout recouvert d'une cloche de verre.

"Louée soit MullenKamp, car par les Ecrits elle nous guide vers la Lumière. J'implore aujourd'hui ta bénédiction afin que ta grâce descende consacrer cet anneau, signe de l'appartenance à ta lignée, pour devenir tes fils dans l'éternité."

Le clerc brandissant l'anneau le découvrit alors de son verre protecteur afin de le dévoiler. Il était très simple, en Ormor, avec un livre gravé dessus accompagné de deux lettres.
L'Inquisiteur le prit alors et le fit glisser au fond d'un calice rempli d'un liquide couleur paille.

"Maintenant, bois mon Fils, et deviens celui que la Déesse a choisi pour répandre son enseignement."

Le clerc prit alors la coupe, et la but jusqu'à la dernière goutte avant de récupérer l'anneau qu'il mit à son annulaire.
Soudain, alors que le silence était passé maître de la Cathédrale, les lourdes portes s'ouvrirent et une jeune fille pénétra dans la nef. Se dirigeant vers les bancs, elle s'assit puis joignit les mains en baissant la tête en signe de piété.
D'un pas assuré, l'Iquisiteur alla à sa rencontre.

"Bienvenue dans la demeure de la Déesse mon enfant, que la grâce de MullenKamp soit sur toi."

Une voix fit frémir ses épaules. Elle prit soin de finir sa prière à la Déesse avant de relever la tête. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement à la vue de l'être qui l'avait dérangé dans sa prière. Son père avait une icône de lui, présenter dans un cadre luxueux couvert une plaque de verre parfaitement polie. "Pour la préserver des éléments" lui avait révéler son père lorsque, beaucoup plus petite, elle avait demander pourquoi le monsieur avait droit à tant de soin.
Il était plus âgé que sur le portrait que son père possédait, elle en fut surprise, pourtant, le contraire aurait été étonnant. Mais la peinture ne rendait pas cette force qui émanait de lui. Ou alors, elle ne l'avait jamais considéré ainsi. Pour elle il était à la tête d'un groupe fort, il se devait donc d'être fort.
Placés comme ils l'étaient, elle ne pouvait se mettre à genoux devant lui et lui baiser les pieds. Elle se leva donc, levant les yeux vers lui cherchant à capter son regard.
Elle savait que ce serait surement pris pour de l'insolence, mais cela n'était rien, car son coeur était brulant, brulant d'une fièvre qui faisait rosir ses joues. Aujourd'hui dans ce lieu sacrée sa vie continuerait ou s'arrêterait.
Devait elle jouer le rôle de l'ignorante vis à vis de l'être qui lui faisait face? Non... Elle n'était pas ainsi. Elle devait se montrer droite, fière de son passé et de son père!

"Haut Prêtre de la Grande Déesse, elle baissa légèrement la tête, je suis honorée que la première personne qui vienne m'adresser la parole soit sa Sainteté en personne."

Elle battit légèrement des cils, elle qui avait tant préparer son texte d'introduction ne plus quoi dire tant l'émotion lui enserrait la gorge.

"Je me prénomme Lynsk, votre Sainteté. Je suis venue aujourd'hui dans ce lieu saint pour vous rencontrer. Mon père, Eliath, vous écrit une lettre que je me dois de vous remettre en main propre."

Avec lenteur, elle plongea sa main droite dans un replis de sa robe et en ressortit un parchemin roulé et scellé d'un cachet de cire. Elle faisait face à son père lorsqu'il avait rédigé cette missive d'une main sur et pourtant, il avait levé fréquemment sa plume, cherchant parfois ces mots ou des tournures de phrases. Un sourire léger sur son visage, elle lui tendit le parchemin, scrutant le visage de l'être sans aucune crainte.

L'inquisiteur regarda la jeune personne face à lui.
Puis son regard se porta sur le parchemin tendu.

Sans un mot, il s'en saisit et le parcourut rapidement du regard.
Le papier n'était pas de première qualité et les tournures de phrases étaient bien souvent maladroite.
Son auteur était certainement un homme de la province, peu accoutumé aux actes de ce genre. Encore un de ces petits êtres qui venaient lui demander secours, certainement.

Il lu donc la lettre plus attentivement, parcourant mot après mot ce qui était marqué.
Ainsi donc, la jeune femme en face de lui souhaitait faire parti des forces inquisitoriales et voulait offrir sa vie à la Très Sainte Déesse.
Le Protecteur du Grand Livre leva les yeux et scruta le jeune visage qui lui faisait face. Il lui semblait qu'elle rougissait tout en gardant un certain controle d'elle-même.

Un léger sourire parcourut son visage.
Cette petite chose pourrait peut etre lui être utile.

"Veuillez me suivre, mademoiselle.
Allons parler dans un endroit plus approprié."

Il se dirigea alors vers une sorte de sacristie richement décorée, où il prit place sur un fauteuil en sequoiam. Il montra de la main un sorte de genoutier en melnam et invita Lynsk à s'y agenouiller.

Sa lecture avait été rapide. Lorsque ses lèvres s'entrouvrirent, sa respiration se coupa. Maintenant elle saurait, Lynsk ne pouvait pas imaginer que son voyage avait été vain!
Il l'invita à le suivre en toute simplicité. Elle resta un instant interdite. Le sang lui sembla revenir dans ses jambes et avec promptitude, elle suivit l'Inquisiteur. Il la mena dans une pièce attenant à la nef, une odeur d'encens manqua de la faire éternuer. Ne sachant pas trop quoi faire de sa carcasse, elle attendit un signe.
Il vint assez rapidement. Lynsk pinça un pan de sa robe et s'installa sur le genoutier. Ses yeux se clorent rapidement, ce qui était son meilleur moyen pour se reconcentrer. Elle laissa ses muscles se décontracter, relâcher les tensions qui s'étaient installés en eux. Des qu'elle fut plus à l'aise, elle entrouvrit en oeil et jeta un regard vert vers l'Inquisiteur.

"Grand Prêtre puis-je avoir votre sentiment sur mon cas?"

Posant ses coudes sur le fauteil et mettant ses mains entremélées devant sa bouche, l'Inquisiteur resta muet.
Il scrutait la Libertaenne.

Elle était jeune. Son visage était fin.
Une très jolie jeune femme, en somme.
Et cette robe lui servait d'écrin.

Le Saint Pretre en vint même à penser qu'il était dommage qu'une si frêle créature ne soit pas issu d'une plus haute lignée.

Mais ce n'était pas le moment de penser à ça.
Et la question de Linsk le tira de ses pensées.

"Mon sentiment, dites-vous ?"

Son regard se faisait froid. Son visage se raidit quelque peu.
Sa voix était un peu plus forte qu'à l'habitude.
Il n'était pas le temps de faire des sentiments.

"Vous semblez vouloir entre parmi nous, soit.
Mais les Forces Inquisitoriales ne sont pas un lieu pour les jeunes filles.
Loin de là."

Les mots étaient durs. Ils étaient percutant.
Tout cela était voulu. Une sorte de test.

"Votre père ne semble pas vraiment savoir ce que c'est que les Forces Inquisitoriales.
Ce ne sont pas que de simples soldats !

Ils sont les bras et les jambes de la Très Grande Déesse et ils sont les Instruments du Grand Livre pour en établir la volonté.

Et vous pensez en être à la hauteur ?
Vous pensez pouvoir attendre ce sommet, surement trop haut pour vous ?"

Son buste s'était légèrement avancé, comme pour écraser son interlocutrice.
Il était au sommet, et elle, jeune enfant encore, souhaitait l'attendre, c'était évident.
Il allait pouvoir voir si elle en était capable.

Un léger sourire se dessina sur le coin de ses lèvres.

Ses épaules se contractèrent des que sa voix se durcit. Ses lèvres se pincèrent légèrement. Elle attendit avec patience qu'il se taise, qu'il finisse de l'assommer, de la sermonner. Que croyait il? Que parce qu'elle était une femme elle serait incapable de lutter contre les impies?!
Elle n'hésita pas longtemps, elle n'avait pas pour habitude de se laisser dominer ainsi. Certes c'était le Grand Inquisiteur qui lui parlait et pas le premier paysan venu mais...
Elle quitta le genoutier, se remettant d'aplomb, ces jambes tendues par la colère qui l'habitait.
Seul son regard trahissait son envie profonde de remettre à sa place l'homme assis qui lui faisait face.
Comme si de l'électricité la parcourait les courts cheveux sur sa nuque se redressèrent, un peu à la façon des poils d'un chat lorsqu'il est colère.
Ses lèvres bordeaux s'entrouvrirent sur un sourire, un sourire confiant, comme si déjà elle savait qu'elle sortirait victorieuse de l'épreuve qu'on lui imposait.

Croyez vous que je sois de ces filles de la campagne venues vous rencontrer pour avoir une vie meilleure?
Ne me prennez pas pour l'une de ces brebies trop heureuse de se trouver sous la protection de votre bâton salvateur. Ne me croyez pas dénuée d'intelligence!

Sa respiration s'était accélérée, ses yeux brillaient légèrement, comme si elle avait été fiévreuse.

Non... Je ne suis une bête serviable qui attend une caresse de son maître pour se sentir aimé...